Éloge de la lenteur, et de l’écoute les yeux fermés

Un texte de notre programmatrice Jenny Cartwright

Pendant que ce que j’appelle le podcast - faute de mieux et de meilleurs termes pour définir l’art radiophonique - gagne en popularité avec fulgurance, le documentaire sonore prend doucement son envol au Québec. Des vitrines s’offrent enfin. Des occasions, des espaces. C’est donc avec une grande joie que j’ai accueilli l’initiative de Tënk et de sa plage Écoute; c’est un bonheur plus grand encore d’avoir été invitée à co-programmer le premier cycle.

Je suis arrivée à la création sonore à travers les œuvres réalisées en Europe francophone. Les lauréat.e.s des Phonurgia Nova Awards, l’atelier de création sonore radiophonique, le Labo de la RTS et les productions de la RTBF bercent mes nuits et mon imaginaire. Raconter des histoires par le son, c’est accéder à son pouvoir évocateur infini, qui rappelle celui de la littérature. La liberté de création inouïe qu’offre le genre m’a amenée à en faire mon médium de prédilection dans mon travail de créatrice. Comme auditrice, il m’a permis d’arpenter des endroits où je ne mettrai jamais les pieds, suscitant des images suffisamment fortes pour me donner la sensation de m’y trouver réellement. De les voir.

D’écouter le monde, et de me l’imaginer.

Si j’affectionne tant cette façon de raconter, c’est aussi parce qu’elle permet d’apprendre - ou de réapprendre, puisque ça s’oublie - le temps long et la lenteur. De suspendre la course effrénée qui nous happe, une histoire à la fois.

J’ai conçu l'incursion que je propose ici en choisissant des créations aux formes narratives et aux univers sonores variés dans lesquelles transparaît mon fort attachement aux productions de la France, de la Belgique et de la Suisse. Malgré mes efforts, je suis consciente de deux lacunes importantes dans ma sélection. L’absence de personnes racisées, d’abord. Pourtant, j’ai beaucoup, beaucoup fouillé: elles sont les grandes absentes - encore une fois - des écoles de son et des radios. L’absence de documentaires anciens, difficiles à trouver, aussi: la radio est centenaire mais ses archives ont la mémoire courte. J’espère que les années à venir rendront ces dernières phrases caduques.

Je n’insisterai jamais assez sur l’importance d’écouter ces créations au casque pour ne pas rater le fin travail de spatialisation et les nuances. Mieux encore, je propose de les écouter au casque en ne faisant rien d’autre en même temps, profitant de chaque moment de ce cinéma sonore.

La plage Écoute de Tënk est donc cet espace consacré à la créativité de l’écriture sonore.

Pour écouter son premier choix :