L'histoire de trois Syriens, depuis leur rencontre en 2002 sur les marches de leur université à Damas, jusqu'à l'arrestation de deux d'entre eux en avril 2012 par le régime d'al-Assad. Trois intellectuels de Damas réfugiés en Occident, devenus activistes un peu malgré eux, qui partagent leurs souvenirs et cheminements jusqu'à la révolution syrienne.
La réalisatrice Emmanuelle Gibello aimerait dédier cette diffusion à son ami David Collin qui nous a quitté le 30 septembre dernier.
Loin derrière j’ai laissé mon jasmin est une œuvre singulière. D’abord, parce qu’elle mêle fiction, entrevues et création sonore dans un docu-fiction abouti au cœur duquel la recherche formelle est aussi riche que le sujet lui-même.
Singulière parce qu’elle existe également comme performance, et qu'Emmanuelle Gibello - qui en signe la conception, l’écriture, les entretiens et la composition - a aussi développé l’instrument de musique unique, le Molf et ses toupies, qui tisse la trame sur laquelle Keenana, Maher et Gonny se racontent.
La musique, enregistrée en binaural sur un système quadriphonique, devient paysage sonore et se substitue aux bombes et aux horreurs de la guerre en faisant ressentir jusque dans le bas-ventre - mais sans les faire entendre - l’incarcération, la torture, la dictature. Le français, l’anglais et l’arabe s’y mêlent et deviennent eux aussi des éléments musicaux : il est possible qu’on ne comprenne pas tout. Tout comprendre du vécu des réfugié.e.s politiques est de toute manière une impossibilité.
Sobre et poétique, ce morceau raconte, en mots et en non-dits, l’exil, les traumatismes et - surtout - la résilience.
À écouter au casque, absolument : le son est brillamment mis en espace.
Jenny Cartwright
Documentariste et artiste audio
En complément, lisez un texte de Jenny Cartwright qui nous donne sa définition de la création sonore.
Les créations d'Emmanuelle Gibello sont à la fois des projections de son inconscient, mais aussi un miroir qui s'adresse directement au regardeur, à l'écouteur. Elle développe une pratique qui emprunte à la fois aux arts visuels et à la musique électronique, au documentaire et à la fiction, ainsi qu'aux nouvelles technologies. Son travail s'effectue à partir de sons et d'images qu'elle capte dans de multiples contextes - naturels et urbains -, ainsi que de textes qu'elle écrit et d'entrevues de personnes rencontrées au fil de ses voyages. Elle imagine également de nouveaux instruments dans la mouvance du DIY. Avec ses instruments, elle questionne et propose des écritures novatrices à l'ère de l'intégration des nouvelles technologies dans la performance.