Ce journal vidéo, tourné entre le 4 mai 1999 et le 1er février 2000, regroupe une série d'autoportraits, une tête dans tous ses états. L'auteure soumet son propre corps à des travestissements, à diverses transformations de sa tête au moyen d'objets, de végétaux et de mouvements corporels brouillant ainsi les certitudes identitaires. Face à la maladie, le récit de petites victoires d'enfant aide à trouver un espace à conquérir, celui qui projette en avant. Il neige des étoiles dans sa tête.
Dans cette œuvre, une artiste se dévoile dans sa plus profonde humilité. Il convient ensuite de laisser divaguer notre pensée… Comment quelqu’un dont le corps a été soumis à de telles conditions de souffrance (dues à la chimiothérapie) peut-il oser utiliser celui-ci comme un objet ? Quelle dose de narcissisme a dû être appelée en renfort pour accomplir un tel acte? Toutes ces questions se retrouvent et communient dans les réponses que nous offre l’artiste Chantal duPont.
Non seulement a-t-elle utilisé son corps comme un objet, un terrain de jeu, pour ainsi dire, mais elle en a fait un geste. Et ce geste défiait non seulement l’objectivation du corps de la femme, mais aussi la mort, car dans l’acte de se filmer pour passer à la postérité, et dans celui de montrer ce corps en déchéance, à la frontière de sa disparition, pour en faire « œuvre utile », il y a une posture de défiance indiscutable, soutenue par un grand éclat de rire.
Fabrice Montal
Programmateur, Cinémathèque québécoise
Née à Montréal, Chantal duPont est une artiste multidisciplinaire. Ses œuvres vidéographiques sont reconnues au niveau international et ont été primées dans de nombreux festivals en Belgique, Colombie, France, au Portugal et à Montréal où elle a entre autres obtenu, en 2001, le Prix à la création artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec pour sa vidéo Du front tout le tour de la tête. Depuis 1996, le contenu de ses œuvres vidéo et de ses installations audio vidéo abordait les thématiques de l’identité familiale et culturelle, de l’autoreprésentation, de la vulnérabilité du corps, de la mémoire, de l’écriture comme objet et processus de création. Elle a enseigné à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal de 1985 à 2008 et fut l'une des membres fondatrices d'Hexagram, un centre de recherche en arts médiatiques. Elle est décédée à Montréal en 2019, quelques jours après avoir présenté une exposition au Cœur des sciences de l'UQAM.