Nathalie, bergère dans le Piémont cévenol, apprend à tuer ses bêtes. Ses gestes sont ceux d’une éleveuse qui aime et qui mange ses moutons avec attention. Elle est prise sans relâche dans une interrogation à propos des manières de bien mourir pour ces êtres qui nous font vivre. Quel goût a la tendresse ?
Pour approfondir la réflexion, la revue québécoise sur la mort et le deuil Frontières vous propose la lecture de son numéro en accès libre Morts animales en perspectives.
80092, 90096, 90036, 70107. Ces chiffres réfèrent à « ma vieille bessonnière », la « camelle », « petite noire », ma « doyenne au bout du rouleau », autant de brebis que Nathalie Savalois a choisies, observées, apprivoisées, réprimandées, soignées, aimées et dont elle doit désormais se départir. Autrement dit, les conduire à l’abattoir. Nous la mangerons, c’est la moindre des choses aurait pu s’intituler Des brebis et une femme, où une éleveuse courageuse, volontaire et inexpérimentée apprend au gré des situations (brebis blessée, mâle agressif, agneau léthargique à la naissance, etc.) à s’occuper de ses bêtes jusqu’au bout. Elsa Maury accompagne sans complaisance cette femme qui parle à ses brebis, apprend à écouter son troupeau et souhaite une autre mort pour ses brebis : « On pourrait essayer de rendre ces moments plus beaux, plus paisibles. Dehors dans la garrigue, entourées de psoralée, d’aphyllante, de garance ou de dactyle, de genévrier et de thym… » À l’heure où, en France comme en Belgique, l’abattage « à la ferme » est interdit à l’exception de situations d’urgence ou à des fins de consommation personnelle, ce documentaire nous amène à porter une attention soutenue à ce « privilège » de ne pas aller à l’abattoir.
Mouloud Boukala
Professeur à l’École des médias, UQAM
Co-directeur de la revue Frontières
Elsa Maury est plasticienne et chercheuse en arts plastiques. Son travail porte sur des formes de récits articulés à l’écologie pragmatique (philosophie et anthropologie), avec une attention particulière pour les êtres non-humains ou autres laissés-pour-compte de la Grande Histoire. Son premier film Nous la mangerons, c’est la moindre des choses a été réalisé dans le cadre d’une thèse en arts et sciences de l’art intitulée : Entre art et ethnographie, raconter et rendre compte de pratiques de vies et de morts (élevage et abattage) au sein de l'Université de Liège (Belgique).