« Novossibirsk, Sibérie profonde. Un crématorium où l'absurde se dispute au comique. La mort, qui réunit des gens que rien ne destinait à se croiser, et moi, au milieu de tout ça, qui tente de l'apprivoiser. »
Pour approfondir la réflexion, la revue québécoise sur la mort et le deuil Frontières vous propose la lecture de son numéro Humour et mort.
« Cher Sergueï, je n’ai pas été invitée à tes funérailles. La dernière fois que je t’ai vu c’est sur la photo à la morgue. Je n’ai pas reconnu ton visage, tant il était défiguré par la chute de onze étages. Dès lors, tous les jours je pensais à ton suicide. Au mien, à vrai dire. Depuis, la mort fait partie de moi. C’est pourquoi j’ai voulu travailler ici dans ce lieu où personne n’oublie les morts. » annonce placidement Lera Latypova. Le lieu – fantasque et kitsch – dont il est question est le crématorium de Novosibirisk (Russie) où la réalisatrice a été recrutée pour créer une chaine de télévision funéraire. Entre une crémation expéditive et un défilé des meilleurs habits de deuil du XXe siècle, Latypova signe avec humour son « contrat de vie », c’est-à-dire la mise en scène de son dernier jour. Adresse aux vivants et au défunt, Filme-moi ! est avant tout le lieu d’une rencontre où la mise en scène documentaire participe d’une mise en scène mortuaire et où, une cinéaste espiègle, une mère observante, une fille insistante, une endeuillée attachante joue avec tout, même avec la mort.
Mouloud Boukala
Professeur à l’École des médias, UQAM
Co-directeur de la revue Frontières
Lera Latypova est une réalisatrice russe née en 1984. Son documentaire Filme-moi !, qui traite de la mort, a été réalisé dans le crématorium où Latypova a longtemps travaillé. En 2018, elle réalise Insomnia sur la mystérieuse ville de Kalachi, au nord du Kazakhstan, où les habitant.e.s sont aux prises avec une mystérieuse maladie du sommeil. Latypova cherche à creuser des thèmes philosophiques à travers son travail documentaire.