Est-ce que le deuil a une date de péremption comme les yogourts ? Et qu’entend-on au juste par le terme « deuil » ? Dialoguant avec son professeur de philosophie, le cinéaste entreprend plusieurs voyages. Certains sont statiques et sollicitent le vécu des deux amis. D’autres voyages mettent les mots à l’épreuve de la géographie : nommer, décrire ce qui est là, devant soi, devient une manière de conjurer ce qui s’efface.
Pour approfondir la réflexion, la revue québécoise sur la mort et le deuil Frontières vous propose la lecture de son numéro en accès libre Humour et mort.
Des fioles pour recueillir la pluie du jour. Des enfants qui assemblent un squelette un os à la fois pendant plusieurs semaines. Un philosophe passionné de Nietzsche et de claquettes. Des gestes simples : écrire une lettre, coudre un vêtement, raboter le bois. Un livre en guise de tombeau ou un cercueil en forme de poisson. Le mot « aujourd’hui », scandé comme une anaphore. Avec un faux sérieux, une gravité burlesque rappelant les surréalistes, Ionesco ou Perec, ce film-essai aborde la problématique du deuil de façon singulière et décalée. En compagnie de son ami l’écrivain et philosophe Jacques Sojcher, le cinéaste s’interroge sur le processus d’effacement et sur les moyens de saisir ce qui disparaît. Quelle est la réalité présente dans les mots utilisés pour décrire ? Comment conjurer ce qui s’efface ? Quand un deuil prend-il fin ? Engendrant plus de questions que de réponses, les deux interlocuteurs « s’exercent à la disparition » aussi bien chez eux que dans la rue ou en voyage à l’étranger ; ils conversent ou se taisent brusquement, laissant alors le silence parler pour eux, comme le suggèrent ces plans les montrant muets, le micro à la main. Tout est dans tout.
Patrick Bergeron
Professeur de littérature, Université du Nouveau-Brunswick
Membre du comité de rédaction de la revue Frontières
Claudio Pazienza est né à Roccascalegna (Italie) en 1962. Il arrive dans le Limbourg belge un an plus tard. En 1985, il obtient un diplôme en ethnologie européenne à la très laïque Université Libre de Bruxelles. Il s’initie à la photo puis au cinéma à l’aide de la Super 8 et en fréquentant assidûment la Cinémathèque royale de Belgique (aujourd’hui Cinematek). Il réalise et produit ses films depuis 1986 puis crée sa propre société en 1998 (Komplot films etc). Il intervient de manière régulière dans plusieurs écoles de cinéma. Polyglotte, il a la nationalité italienne et réside à Bruxelles depuis 1980. Il milite pour un cinéma de gai savoir s’essayant volontiers à l’essai, au documentaire dit de création.