Manifeste psychédélique pour la révolution permanente. Mi-album de photos de famille, mi-cinétract, le film a été tourné à Paris pendant les événements de Mai 68 et à Rome, où l'acteur-réalisateur jouait alors dans Partner de Bertolucci.
Pierre Clémenti, figure emblématique de la contre-culture et coqueluche de plusieurs grands cinéastes européens, est également passé derrière la caméra, à titre de réalisateur. Inspiré par le cinéma expérimental américain et son côté intimiste, Clémenti s’adonne à la pratique du journal filmé et documente son quotidien et son entourage à l’aide de sa caméra super 8. Sympathisant de la cause ouvrière et de la révolte étudiante, l’acteur-réalisateur descend dans les rues de Paris pendant les événements de mai 68 afin de documenter la répression policière qui tente violemment de mater cette révolte populaire. Ces rares images en couleurs de Mai 68 sont entremêlées à celles d’un séjour bucolique à Rome, où Clémenti est entouré de ses proches et de sa famille. À travers l’utilisation de filtres colorés, de surimpressions et d’expérimentations formelles, Clémenti réussit à construire un film pamphlétaire à la fois intimiste et engagé, un manifeste personnel psychédélique, qui clame haut et fort : « La révolution n’est qu’un début, continuons le combat ».
Frédéric Savard
Archiviste et programmateur
Né en 1942, Pierre Clémenti fait ses débuts au théâtre sous la direction de Jean-Louis Barrault. Le cinéma va bientôt révéler au grand public sa silhouette souple, son regard sombre, faisant de lui tantôt un jeune ingénu tantôt un voyou ou un rebelle. Dans Le Guépard, il incarne un jeune aristocrate, dans Belle de jour, il est Marcel, le mauvais garçon, l’amant de Catherine Deneuve, par qui le scandale arrive. Mais le rôle qui lui vaut la reconnaissance du public est celui de Benjamin, le jeune puceau du film de Michel Deville. Déjouant les plans de carrière prévisibles, aimant avant tout sa liberté, Clémenti choisit de travailler avec des cinéastes dont les exigences s’accordent aux siennes, comme Bernardo Bertolucci ou Philippe Garrel. En même temps, il découvre, avec Etienne O’Leary, qu’il n’y a pas une seule forme de cinéma, mais que l’on peut filmer comme un poète écrit : il suffit de prendre une caméra et de filmer sa vie. Et on le voit bientôt, caméra à la main sur les tournages auxquels il participe, et sur les lieux de sa vie quotidienne. Il filme la vie de sa famille (femme, enfants et amis) dans des décors idylliques, comme des événements de rue, notamment lors de Mai 1968 à Paris. Il meurt le 27 décembre 1999, à l'âge de 57 ans, des suites d’un cancer du foie.