Mai 68. Paris, dans les rues du Quartier Latin, de la Sorbonne à l’Odéon. Les symboles de l'autorité sont contestés par des millions de grévistes et d'étudiants. Le cinéaste et photographe américain William Klein enregistre au jour le jour assemblées, débats improvisés, manifestations, barricades, bagarres de rues, palabres, utopie en marche, espoirs, résignations, malentendus. Filmé en noir et blanc, caméra au poing, ce film est un document merveilleux sur l’un des moments de contestation politique les plus vigoureux du 20e siècle français.
Un des plus beaux titres de film qui soit. Le très grand William Klein déambule dans le Paris de Mai 68, le Paris en désordre, où le printemps semble monter à la tête des foules. Les badauds se regroupent et se haranguent. Les gens prennent la parole et en semblent tout étonnés, comme enivrés par leur audace de nommer ce qui coince, ce qui dérange, ce qu’il faudrait réinventer. Klein filme la chronique d’un Paris qui exulte, et où étudiants ouvriers et paysans se rencontrent et rêvent de révolution. Les femmes sont bien là, mais hélas, on leur coupe souvent la parole. On ne connaîtra leurs rêves que plus tard… Au Théâtre de l’Odéon, où l’on se retrouve pour débattre, un garçon de café termine son discours en larmes. À l’insouciance révoltée des étudiant.e.s, il oppose la réalité des travailleur.e.s. La liberté de parole de Mai et ces échanges entre classes, voilà peut-être l’aspect le plus révolutionnaire. Mais hélas, aux grands soirs qui grondent comme une colère collective et salutaire succèdent les petits matins, la répression et le « retour à la normale » mortifère. Celle-ci se conclura par la réélection massive des gaullistes en juin 68…
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk
Né en 1928 à Manhattan, William Klein est un artiste polyvalent vivant à Paris. Il fait des études de sociologie aux États-Unis, puis s'inscrit à la Sorbonne en 1948 après son service militaire. Après des débuts dans le domaine des arts plastiques, il devient le photographe de mode attitré du magazine Vogue en 1954. Expérimentateur et provocateur, il photographie également les rues de New York et sa population avec un style affirmé qui deviendra sa signature et fera de lui une figure emblématique de la photographie du 20e siècle. En 1958-1959, il publie le livre Rome et tourne son premier court métrage : Broadway by Light. Au milieu des années 1960, il abandonne momentanément la photographie pour le cinéma et se rapproche d’Alain Resnais et de Chris Marker. Il réalise Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966) qui devient une œuvre culte, dans laquelle il présente une satire moderne et délirante du milieu de la mode, des médias et de la télévision. Ses films sont marqués par son engagement, notamment auprès de la cause noire : Muhammad Ali the Greatest (1964), Festival panafricain d'Alger 1969. Il est lauréat de nombreux prix prestigieux, et le Centre Pompidou lui a consacré une rétrospective en 2005. En 2008, il publie Contacts, un recueil de ses grandes photographies revisitées par des interventions à la peinture sur des contacts agrandis.