Été 2001 à Montréal, en pleine crise du logement, des sans-abris, des mal-logé.e.s et des jeunes militant.e.s débarricadent et occupent un bâtiment vacant. Au nom du droit au logement et pour le désir de vivre autrement, un squat politique prend forme. Sous l’œil vorace des médias, une cinquantaine de squatteurs entreprennent le développement d’un projet alternatif qui est peu à peu mis en péril par l’administration municipale. Au-delà des clichés véhiculés, ce documentaire pose un regard de l’intérieur sur l’histoire du squat, la réalité des squatteurs et leur vision du monde.
Ève Lamont est une documentariste à part. Elle a roulé sa bosse dans la vie comme dans ses films avec une rare intégrité. Outrée par les injustices, elle se bat, caméra au poing, à côté des moins nantis jusqu’à faire partie de leur vie, jusqu’à s’oublier elle-même. Partout on l’a aimée, et on l’aime encore, parce que son combat continue même quand le tournage est terminé, même quand le film ne joue plus dans les cinémas. Ève est encore là pour eux, avec eux.
C’est ainsi qu’au milieu du cirque médiatique qui a accompagné la création d’un squat à Montréal en 2001, Ève a su mériter la confiance de ces êtres humains fragiles et insoumis, dégoûtés par les médias qui en faisaient leurs bêtes de foire et par les politiciens qui en faisaient leurs enjeux électoraux. Ève a été la seule caméra acceptée parmi eux, et elle a fait un film bouleversant, où elle a su montrer le vrai visage de l’abus de pouvoir.
Ce film a changé ma façon de voir le monde, les médias et la politique. Mais aussi le cinéma. Car par un paradoxe complexe, un pied de nez au monde de l’image factice, il s'agit sans contredit d’une oeuvre cinématographique maîtrisée.
Isabelle Hayeur
Cinéaste et ex-présidente de Réalisatrices Équitables
Réalisatrice et camérawoman chevronnée, Ève Lamont est un électron libre qui plonge au cœur de réalités sociales souvent occultées. Depuis son premier documentaire "Des Squatteureuses"(1988) sur les femmes squatteuses en Europe, elle s’intéresse aux voix en rupture avec le mercantilisme et les rapports d’oppression. Son premier long métrage documentaire "Méchante job" (2001) critique le travail du point de vue des précaires et des sans-emploi. Avec "L’imposture" (2010) et "Le commerce du sexe" (2015), elle s'intéresse à la question de la prostitution, révélant l'envers du décor d’un nouvel esclavage des temps modernes. Dans son plus récent film, "Le chantier des possibles" (2016), la cinéaste raconte l’histoire d’un quartier populaire qui défend une vision de développement urbain faisant contrepoids aux promoteurs immobiliers. Elle pratique un cinéma engagé qui favorise la réflexion et le débat sur la place publique.