Chaque année, des milliers de travailleuses migrantes, majoritairement philippines, entrent au Canada en tant qu’employées de maison. Laissant derrière elles conjoints et enfants, elles travaillent dans l’isolement pendant des années et envoient presque tous leurs gains dans leur pays d’origine dans l’espoir qu’un jour, leurs familles puissent les rejoindre. Quand les étrangers se réunissent pose un regard sur ce qui se produit après des années de séparation et de sacrifices. Devenu.e.s de véritables étrangers et étrangères, les membres de ces familles doivent entreprendre la difficile reconstruction des liens affectifs tout en s’adaptant à un milieu qui est souvent peu accueillant. Au sein de la communauté philippine du Canada, plusieurs groupes et organismes militent activement en faveur des droits et du bien-être des travailleuses et travailleurs migrant.e.s. Tourné à Toronto, à Montréal et aux Philippines, ce portrait sincère et touchant présente trois familles sur la voie de la guérison.
Quand les étrangers se réunissent se penche sur l’expérience émotive de trois familles, montrant le véritable coût de la migration sur leurs relations. En regardant ce film, j'ai été frappée par les parallèles que j'ai vécus, ma mère étant une OFW (Overseas Filipino Worker), prenant soin d'autres enfants à l'étranger tandis que mes grands-parents s'occupaient de moi à la maison. L’impact que cela a eu sur notre relation a été énorme, et des décennies après, nous essayons toujours de guérir. Les histoires de séparation familiale sont la grande histoire d’exploitation qui affectent la vie des individus : les humains en tant que marchandises exportables, la déshumanisation, les luttes de classe et les résultats continus de la colonisation. En tant que membre d'un groupe communautaire collectant des histoires de migration de 1991 à 2022, il est frappant de voir à quel point ces histoires ressemblent encore à celles recueillies aujourd'hui. Le narratif semble se répéter de génération en génération, mais avec des individus différents. Bien que certaines politiques aient changé progressivement, les dommages systémiques de la migration de main-d'œuvre restent profonds et actuels. Pourtant, à l'antipode, de nombreuses personnes et organisations se battent activement pour les droits des migrant.e.s, dont la plupart sont les migrant.e.s mêmes, reconstruisant, réimaginant et revendiquant leurs propres histoires.
Deann Louise C. Nardo
L'une des organisatrices de Pulso ng Bayan
Florchita Bautista est une ancienne religieuse, enseignante, conseillère d'orientation et agente pastorale dans les différents lieux de la mission de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (ICM). En tant que coordinatrice des missions urbaines de l'Association des Mères Supérieures des Philippines pendant la dictature de Marcos, elle s'est immergée dans la vie et les problèmes des travailleurs et travailleuses industriel.le.s et leurs familles. Sous la dictature de Marcos, l'injustice, l'exploitation et l'oppression des personnes en situation de précarité ont frappé profondément le cœur de Florchita. Elle a quitté la congrégation et s'est rendue au Canada pour s'impliquer auprès des travailleurs et travailleuses migrant.e.s philippin.ne.s à Toronto afin de les sensibiliser à leurs droits au Canada où elle a rencontré Marie Boti de Multi-Monde. Les deux femmes décident alors de réaliser des films documentaires sur la réalité de ces travailleur.euse.s notamment Brown Women, Blond Babies (1992). Leur second documentaire, intitulé Quand les étrangers se réunissent (1999), traite de la séparation des familles qui s'étend parfois sur de longues années.
Marie Boti est cinéaste, et militante du mouvement des femmes et de la solidarité internationale, en particulier avec les Philippines. Dans les années 80, elle co-fonde les Productions Multi-Monde, avec son compagnon Malcolm Guy, construisant une équipe qui s’est spécialisée dans la production de documentaires engagés, dont plusieurs traitent des problèmes et des enjeux de la migration. Marie Boti réalise ses documentaires en jouant un rôle actif au sein des communautés qu’elle filme et développant une intimité marquée avec elles. Elle a réalisé plusieurs films au sujet des travailleuses domestiques étrangères, dont Brown Women, Blond Babies (1992), Quand les étrangers se réunissent (1999) et Modern Heroes, Modern Slaves (1997) qui a remporté le prix du meilleur documentaire d’enquête de l’Association canadienne des journalistes. Son dernier film, La fin de l’immigration? réalisé avec Malcolm Guy, revient à un sujet que le duo connaît bien: la main-d’œuvre étrangère et le virage du gouvernement canadien sur cette scène en mettant en place le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Marie Boti est également Présidente de diffusion chez Multi-Monde, maison de distribution fondée en 2005 qui se spécialise en longs métrages documentaires.